Il est terrible
le petit bruit de l’œuf dur cassé sur un comptoir d’étain
il est terrible ce bruit
quand il remue dans la mémoire de l’homme qui a faim
elle est terrible aussi la tête de l’homme
la tête de l’homme qui a faim
quand il se regarde à six heures du matin
dans la glâce du grand magasin
une tête couleur de poussière
ce n’est pas sa tête pourtant qu’il regarde
dans la vitrine de chez Potin
il s’en fout de sa tête l’homme
il n’y pense pas
…
On ne voit plus d’oeufs durs sur les comptoirs des brasseries. La législation oblige à les conserver au réfrigérateur. On voit de plus en plus de miséreux qui errent au petit matin après une nuit dans la rue. Aucune circulaire n’oblige encore à les dissimuler à la vue des passants.
© gérard Laurent pour ParisCool, les photos de Paris